Honduras Express

26 octobre 2019

On arrive en Honduras dans l’après-midi, après une belle étape de 75 km. Côté Guatemala, cela fait une bonne vingtaine de kilomètre qu’il n’y a plus beaucoup d’habitations, juste des plantations de bananes et de palmiers.

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Une fois la frontière passé, on sait que quelques hôtels nous attendent en Honduras dans le petit village frontalier de Corinto.

En passant la frontière, on échange nos derniers quetzales pour des lempiras à une des nombreuses personnes qui nous attendent, liasses de billets à la main. Seul système de change possible par ici.

On s’arrête au premier hôtel, les chambres sont corrects, mais impossible d’utiliser la CB et la prochaine ville pour retirer de l’argent est à plus de 30 km. P-Yves retourne donc changer quelques euros auprès du « monsieur à la grosse liasse ». Ce dernier comprend vite que l’on a pas trop le choix, et explique qu’il va prendre nos euros, juste pour nous rendre service… Merci ! Mais dans ce cas, il devient tout à fait logique de prendre les euros au prix des dollars ! Il sait qu’on n’a pas le choix !!!

Cette petite scène aurait tendance à nous agacer, mais lorsque P-Yves revient et que l’on s’installe dans l’hôtel, Marine explique que pendant ce temps, dans le bar juste en face de l’hôtel, un homme un peu saoul était en train de jouer à braquer ses potes en leur mettant son flingue sur la tempe.

On passe vite sur ces petits soucis de change, on devient plus préoccupé par notre sécurité.

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Un peu de douceur dans ce « drôle » de monde.

On sort vite manger, il n’est que 17h30, mais déjà presque trop tard. Il commence à faire nuit et la personne qui cuisine est sur le point de rentrer chez elle. Ici, peu de rue sont éclairées, et nous avons vite compris que de nombreuses armes étaient en circulation. Alors, une des premières question de sécurité consiste à circuler le jour ! Règle à laquelle on se plie sans discuter ! Pas de possibilité de sortir, pas de connexion internet dans la chambre,… On ne se sera jamais couché aussi tôt !

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Histoire du soir.

Le lendemain, aucun problème pour partir tôt, d’autant plus qu’on n’a pas grand chose pour le petit déj’. Après une bonne heure de vélo, on complète par un petit goûter dans une station essence. A l’entrée, un agent de sécurité armé jusqu’au dent nous ouvre la porte. On prend des « refescos » qui sont beaucoup moins « naturales » que ce qu’on avait découvert au Guatemala et quelques petits en cas. Au dessus de notre tête, la télé sur une chaîne du type BFM qui tourne en boucle : les alertes des homicides de la journées dans les environs et des appels à témoins. Nous avons très vite le sentiment qu’il y a de réels dangers dans ce nouvel environnement.

Nous continuons en essayant de relativiser. Mais, pour couronner le tout, nous faisons la route avec des hordes de vautours qui viennent se nourrir des carcasses d’animaux laissées sur le bord de la route. Dans la campagne hondurienne, il ne doit pas y avoir d’équarrisseur. Les bêtes mortes sont déposées sur les bords des routes. Imaginez notre tête lorsqu’on voit un chien, mort, les pattes attachés, déposé sur le bord de la route, puis un veau tout gonflé, une vache au milieu de son champs, en décomposition, … et à chaque fois une odeur de mort atroce et les vautours qui se déchirent les chairs !!! « Drôle » d’ambiance.

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Petit aperçu de nos copains les vautours.

On découvre tout de même une côte caribéenne magnifique qui nous donne envie de nous arrêter pour profiter de la plage ! Pour autant, pas facile de trouver un accès public. On se décide pour aller dans un « centro touristico » (une fois de plus) à Omoa. Accès à la plage, deux belles piscines, plein de monde, un bar-restaurant qui tourne en continue … et le prix de la chambre après négociation reste assez correct (surtout pour 3 lits doubles) et payable en carte bleu ce qui nous arrange vu qu’on n’a pas beaucoup de cash pour le moment.

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Délicieux repas (hors budget), mais tellement bon !

On comprend vite que ce lieu n’a rien à voir avec notre expérience très populaire du Guatemala. Le prix des consommations, les voitures qui viennent se garer et le style « bling bling » de la clientèle nous permet de découvrir une autre facette de l’Honduras ! Ici, la sécurité est assurée, mais on ne voit personne avec des grosses armes comme ailleurs. Le personnel parle très bien anglais alors on en profite pour organiser notre départ en bus (la raison première de cet itinéraire) de San Pedro Sula, ville qui a reçu plusieurs fois le titre de « ville la plus dangereuse du monde hors pays en guerre » !!! Rien que ça !

On avait eu quelques alertes par Maryline de Vélomérica, juste avant de passer la frontière, mais sans connexion, on ne découvre l’ensemble des éléments sur San Pedro Sula la veille de nous y rendre.

La ville enregistre des taux d’homicide par an de l’ordre de 171 pour 100 000 habitants, ce qui correspond à une moyenne de 2 à 3 homicides par jour pour cette ville de plus de 400 000 habitants. La raison principale : 5 gangs s’y affrontent depuis plus de 20 ans, sans AUCUNE pitié. Grâce à nos recherches, on comprend un peu plus le phénomène des « maras » (cf bande annonce du film « la vida loca »  de Christian Poveda, documentaire sur les maras 18, au Salvador et cf article « le monde »).

Ces « maras » se sont constitués autour des anciens gangsters originaires d’Amérique centrale qui avaient émigrés aux USA et qui ont été ensuite renvoyés dans leurs pays d’origine. A cette époque (début des années 90), les pays d’Amérique centrale n’étaient pas prêts à recevoir tant de violence. L’argent facile, le style américain que véhiculent ces gangsters fascinent de nombreux jeunes qui s’engagent dans ces gangs pour une paire de « Nike » ! Depuis, le phénomène a prit beaucoup d’ampleur, impliquant la police, les politiques, … et semble incontrôlable. Au sein d’un même gang, tout le monde se rallie autour d’un principe : « La vida por las maras », soit « la vie pour le gang ». En effet, ils n’en sortent que morts ou emprisonnés.

Même si on comprend que les principales victimes de ce phénomène sont les membres des gangs et leurs proches, on comprend aussi que la vie n’a que peu de valeurs pour ces gangsters. Les crimes perpétré par ces « maras » peuvent vraiment toucher tout le monde.

Découvrant tout ça à Omoa, on réfléchit sérieusement à faire demi-tour, reprendre la route en sens inverse et retourner au Guatemala afin d’entrer en Honduras dans des zones plus rurales. En effet, ce phénomène « maras » n’existe que dans les villes et leurs environs.

En discutant avec le personnel de l’hôtel, ils nous rassurent, nous donnent des conseils, nous parlent des différentes zones reconnues comme étant les plus dangereuses, d’autres plus safe. Ils nous détaillent les périodes de la journée où il n’y a pas de risque… On reprend confiance, on n’a pas vraiment le choix, alors on book notre bus, et c’est parti pour San Pedro Sula.

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Dur dur les réveils à l’aube !

On part, toujours très tôt, pour éviter les grosses chaleurs mais aussi pour arriver le plus tôt possible dans cette ville qui nous fait tant peur. Nous suivons tous les conseils que nous avions reçus : rester sur les grosses routes (pas le plus logique en vélo mais bon), prendre un hôtel accessible par la grande avenue qui va à la gare routière, ne pas sortir la nuit, manger dans des lieux sécurisés (ce qui veut dire avec des agents de sécurité armés avec de très gros calibres), ne pas utiliser son téléphone portable, ni sortir son argent en public, ne pas traîner en donnant l’impression de chercher son chemin …

En arrivant à San Pedro Sula au milieu des grosses voitures à vitres teintées et d’un trafic certain, nous nous dirigeons direct vers la gare routière pour prendre nos billets de bus, retirer l’argent nécessaire pour la future frontière du Nicaragua, manger au food court d’un mall, … et, en fait, tout semble tranquille dans cette ville. On se dit qu’on a vraiment du mal à gérer nos peurs et que l’on devient parano trop facilement. Il n’empêche qu’on ne traîne pas dans ces petites rues bien agréables et on va vite dans notre chambre, d’autant plus que le lendemain, le bus est à 5H du mat’, et qu’il faut y être 45 minutes avant le départ !!!

Nino et Myrtille s’endorment facilement mais on se rend compte que Lola est plus angoissée, elle a bien compris que nous sommes tracassés.

A la nuit tombée, l’arrivée des coups de feu dans la rue. Nous ne saurons pas dire si cela est vraiment habituel mais ça n’avait pas l’air d’inquiéter ni le garde de sécurité de l’hôtel, ni celui du restaurant d’en face. Toute la nuit, des picks up, musique à fond circulent dans la ville, sur fond de tirs de gros calibre. Difficile de vous en expliquer plus sur le sujet, nous n’avons pas été observer la scène du balcon. Rien que pour voir s’il était possible de se prendre une balle perdue. Nous sommes restés bien sagement dans notre chambre sans bouger, pas trop rassurés quand même. Tel semble être l’objectif de la démarche : semer la terreur, marquer son territoire nocturne, que tout le monde reste chez soi !

À 3h du mat’, on commence à s’activer pour être à l’heure pour le bus (Lola, toujours inquiète est au taquet en même temps que nous). Nous entendons toujours passer ces patrouilles aux coups de feu ! On fini de se préparer, la peur au ventre. On avale un petit dèj’, on charge les vélos et c’est parti pour 5km de vélo , de nuit sur une grosse avenue éclairée (qui nous avaient été indiquée comme « safe », même de nuit). Il n’empêche que nous n’étions pas rassurés. P-Yves devant à plus de 20 km/h avec Marine derrière lui disant :« plus vite, va plus vite, je peux rouler deux fois plus vite si il faut !!! ». Autant dire que même coursés par des chiens enragés, ceci n’est jamais arrivé.

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Photo floue, à la va vite avant les premiers coups de pédales. Myrtille et Nino confortablement « cachés » dans la chariote. Lola, prête à tout.

10 minutes plus tard, nous arrivons à une gare routière déserte (il est 4h), nous sommes seuls devant les grilles. À 4h15 précise, les autres passagers et personnels du futur bus sortent des voitures garées juste devant nous. Précisément à l’heure annoncée, l’agence ouvre ses portes. Inutile de le préciser, ici on ne traîne nul part dans la nuit, même pas 5 minutes en avance pour prendre un bus !!!

Nous avions quelques incertitudes au sujet de nos vélos. Les chauffeurs allaient-ils les charger sans sourciller, sans bakchich ?… Aucun soucis, ils passent en soute sans problème comme des bagages classiques. Nous payons 5 places, nous avons le droit à 10 bagages au total, donc aucun problème.

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Pauvres petits choux …

Enfin dans le bus, les crampes d’estomacs liés au stress disparaissent et l’aventure des 15h de bus peut commencer. Aucun problème jusqu’à Tegucialpa, la capitale de l’Honduras, nous faisons une escale de 30 minutes. On repart, toujours sans problème, en direction du Nicaragua. Une bonne heure avant de passer la frontière, on se retrouve bloqué par un problème mécanique. Le Chauffeur met sa tenue de mécanicien, fais des essaies, allume, éteint, rallume, éteint, rallume, … le moteur, mais rien n’y fait, on ne peut pas repartir. Il nous annonce, que nous devons patienter, un autre bus va bientôt arriver.

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Les bébés perroquets verts pour distraire les touristes lors des pauses.

En effet, une demi-heure plus tard, un autre bus, qui à priori arrive du Salvador, nous rejoint. On transfert les bagages, les vélos et c’est repartis avec un autre bus qui avait qu’une dizaine de passagers. Afin de trouver 4 voir 5 sièges assez proches les uns des autres, nous allons un peu dans le fond du bus où règne une odeur très forte remontant des toilettes du bus. C’est très désagréable, mais bon, à peine le temps de s’y habituer qu’on arrive à la frontière.

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Petit pique-nique improvisé, en attendant un autre bus. Les enfants se font offrir des glaces par un voisin de siège. C’est dire comme ils sont calmes !

Pendant tout le passage de frontière, on a regretté nos vélos. Il a d’abord fallu qu’on porte tous nos bagages, (et traîner nos enfants sous une chaleur de plomb) du bus au tapis détecteur de la douane, puis tout remonter dans le bus.

Ensuite, alors que les autres passagers se font tamponner leur passeport sans soucis, nous sommes convoqués pour un petit questionnaire. Nous avons le droit à tout un tas de questions, combien d’argent avez-vous sur vous, sur votre compte en banque, la valeur de vos vélos, combien de jours allez-vous rester dans le pays, … En gros, ils voulaient s’assuraient qu’on avait de quoi vivre jusqu’à notre départ du Nicaragua.

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Frontière en travaux, chaleur intense,… mais chouette « mamie » qui offre des boissons et goûters aux enfants.

Pendant tout ce temps, le chauffeur de notre deuxième bus s’est mis lui aussi à bricoler. Nous avons désormais un problème d’amortisseur. Nous sommes rejoint par notre premier bus, désormais réparé. Nous nous attendions à rechanger de bus, mais non, on repart avec nos bonnes odeurs de toilettes pour la fin du trajet. Nous aurons encore une pause pour une autre panne, c’est à n’en plus finir ! Le plus impressionnant, c’est qu’après ces 3 pannes, nous arrivons à l’heure à Managua, notre terminus. Soit ils anticipent leurs pannes dans les horaires proposés, soit ils ont squizzé les pauses prévues, suite aux différentes arrêts mécaniques.

15h plus tard, nous voilà donc au Nicaragua, prêt à continuer notre voyage à vélo, après avoir passé seulement 3 jours en Honduras. Nous aurions tellement aimé vous transmettre une expérience plus positive telle que celle de velomerica avec son article sur l’Honduras nommé : L’Honduras : le coeur sur la main. Ils ont eu l’occasion de rencontrer un peuple adorable, des paysages préservés.

Notre peur légitime et la crainte d’entretenir une parano non justifiée nous a amener à vivre une toute autre expérience, et ne nous permet donc pas de donner une autre vision de ce petit pays d’Amérique centrale. Passer la frontière en bus nous laisse sur une sensation de « fuite ». On quitte donc l’Honduras avec trop peu de rencontres ( malgré tout, toutes positives) et nous soulève beaucoup de réflexions.

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Un amour de papy qui nous à offert des noix de cocos sur le bord de la grosse route. On se régale d’eau de coco bien fraîche, et il nous ouvre avec grand savoir faire la noix pour qu’on se nourrisse de la chair tendre de coco.

Nous avons eu le luxe de quitter cette insécurité et l’inconfort qu’elle génère très rapidement, mais qu’en est-il de ceux qui peuplent ce pays et ces villes si dangereuses. Qu’en est-il de la grande majorité de la population hondurienne ? Ces gangs, les « maras » ne représentent qu’une partie infime de la population. Comment font-ils pour vivre quotidiennement avec le risque d’être au mauvais endroit, au mauvais moment, vivre quotidiennement au milieu de cette insécurité.

Ça nous laisse beaucoup à réfléchir, sur les conséquences des expulsions de personnes potentiellement dangereuses dans des pays qui n’ont pas les outils nécessaires à leurs réinsertions, mais aussi sur les ravages que peuvent faire le combo drogue, argent, prostitution, armes et pouvoir sur une jeunesse « sans avenir ». P-Yves garde son âme de travailleur social et se dit qu’il ne faudrait pas « fuir » ce pays, mais au contraire, que nos rencontres, notre présence, notre voyage devrait aider à faire rêver, ouvrir les horizons, et donner d’autres perspectives.

Nous restons donc sur un sentiment très amer, avec l’envie, par ce texte, de ne surtout pas stigmatiser l’Honduras, mais bien chercher à le faire rayonner, un peu.

En arrivant à Managua de nuit, ça redevient malgré tout si agréable d’aller chercher à manger dans des rues animés où tout le monde se balade sans crainte, bars et restaurants aux portes et fenêtres ouvertes, sans barreaux de fer, sans agent de sécurité, sans armes !

Allez, le voyage continu !

On ne sais plus trop où on en est dans les comptes :

Honduras / 4ème pays….Nicaragua / 5ème (Mymy s’y retrouve, elle !)

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4 réflexions sur “Honduras Express

  1. Waouh ! la lecture de cet article fut haletante mais tellement stressante !
    J’avais hâte d’être à la fin de cet épisode pour respirer un bon coup et vous imaginer reprendre votre route plus sereinement !
    Bonne route !

    J’aime

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